Au Pays basque, les sorcières ont toujours fait partie intégrante du quotidien et sont encore célébrées dans plusieurs communes d'Iparralde et Hegoalde. Des véritables personnages du début du 17ème siècle aux contes et légendes en passant par les fêtes de Ciboure, les Sorginak font encore partie du patrimoine basque et de son paysage culturel. Si du côté français ce fut Pierre de Lancres qui s'engagea dans une vague de folie meurtrière, les espagnols eux, ont eu droit à l'inquisiteur Don Juan Del Valle Alvarado du tribunal de Logroño.
De Hendaye à Ciboure en passant par Sare ou encore Zugarramurdi, les sorcières font planer sur ces sites un passé chargé de mystère mais aussi lourd d'histoire. Encore aujourd'hui, le personnage de la sorcière fait fantasmer grands et petits. Et pour en apprendre plus et surtout replonger dans l'atmosphère de mère nature, s'imprégner des lieux de culte de la sorgin, Julien Gaüzère a recréé la Marche des Sorcières et il remplit la tâche à la perfection.
Marchez sur les pas des Sorginak
Que peut-on rêver de mieux sinon arpenter les forêts et sous-bois que ces personnages de la mythologie basque mais surtout de l'époque de l'inquisition empruntaient ? Des heures sombres qui ont marqué au fer rouge l'histoire d'un petit village mais aussi de toute une région en 1609. La chasse aux sorcières fut une période dramatique et Julien, au travers de sa « Marche des Sorcières » vous fait revivre le passé.
Il lui aura fallu pas moins de trois années pour élaborer ce projet baptisé les Marches Herri Alde. Enfant du pays, au fil des sentiers et chemins qu'il a emprunté si souvent, il a créé cette balade en sous-bois qui part des grottes de Sare pour rejoindre celles de Zugarramurdi. Vous y croiserez des lieux de légende ainsi que le fameux « Infernuko Erreka », le ruisseau de l'Enfer !
Inutile de vous expliquer l'engouement du public pour cette marche des sorcières d'une durée de 3h30 au cours de laquelle Julien fait le guide en contant la triste histoire de ces femmes, puis vous permet ensuite de visiter les grottes de Zugarramurdi et son petit village pittoresque.
"La Marche des Sorcière est une vraie mission de mémoire"
Presselib : Avez-vous une affinité particulière par rapport aux sorcières ?
Julien Gaüzère : « La Marche des Sorcières » c’est avant tout un rêve d’enfant. Le chemin que j’emprunte chaque jour avec mes marcheurs, c’est un lieu qui m’a vu grandir. Tout petit mon Amatxi m’a fait découvrir ce lieu et très vite elle m’a raconté les histoires de Sorcières. Du coup j’ai passé une bonne partie de mon enfance à chercher des Sorcières un peu partout dans les vallées basques et particulièrement du côté de Zugarramurdi. Pourtant au Pays basque on s’amuse à dire qu’il ne faut jamais trop s’approcher des Sorginak et ne pas les suivre dans les bois… Bien évidemment j’ai fait tout le contraire ! Et de cette quête de la Sorgin basque, j’en ai même fait mon métier.
C’est une des raisons qui fait que je garde une sincérité avec cette Histoire. Je me sens intimement lié à ce pan d’Histoire des Chasses aux Sorcières. A chaque visite, j’ai cette sensation de me raccrocher à mon enfance et en même temps de transmettre la richesse de notre culture basque à travers la figure de la Sorcière.
P.L : Comment vous est venue cette idée ?
J.G : Au Pays basque, la Sorcière, c’est une image importante mais souvent négligée ou incomprise. Avec le cinéma, la télévision ou les films de Walt Disney, on a façonné ce personnage. Comme beaucoup de basques, je n’ai pas envie que les événements tragique que l’on a connu au XVIIe siècle ici ne soient représentés que par le porte clé de la vilaine sorcière sur son balai que l’on achète en sortant de la grotte.
Créer la Marche des Sorcières, ça me trottait dans la tête depuis très longtemps. J’ai commencé à y travailler réellement à partir de 2016. Beaucoup de recherches historiques et de lectures diverses, beaucoup de rencontres et entretiens également. A chacune de mes vacances, quand je revenais du Québec, j’avançais un peu plus sur la construction de ce projet.
Mon expérience de Guide au Québec m’a aussi donné une vision claire de ce que devait être cette marche des Sorcières. Une occasion parfaite pour transporter les randonneurs dans un autre monde et surtout faire en sorte que n’importe quel public y trouve son compte, en jonglant avec l’histoire, les légendes locales, la Mythologie basque mais aussi la préservation de la faune et la flore et même un peu de géologie au passage !
P.L : Y a t'il des explications historiques lors de vos randonnées ?
J.G : C’est tout le but de ma randonnée : redonner son visage à notre Sorcière du Pays basque. Pour comprendre la Sorcière de notre contrée, il faut comprendre notre Pays, sa construction, ses habitants et ses traditions. Si on ne prend pas la peine de s’imprégner du lieu et de s’interroger sur les gens qui l’ont traversé… On ne rencontrera pas la Sorcière.
Les Chasses aux Sorcières de 1609-1610 cachent des histoires de seigneurs, de rois, de pouvoirs, de rivalités et de frontières qui sont passionnantes. Au XVIIe siècle Henri IV (en France) et l’Inquisition (en Espagne) se sont clairement servis de l’ignorance des gens et de leurs peurs pour attaquer des basques très attachés à leur langue et leurs coutumes. C’était une région qui vivaient encore avec un paganisme très puissant… Y avait-il pour autant des Sorcières derrière tout ça ? Les femmes basques se sont surtout retrouvées victimes dans cette affaire.
La Marche des Sorcière est une vraie mission de mémoire, mais assez subtile pour garder un brin de magie. Chacun repart avec « la Sorcière » qu’il aura voulu se forger pendant la marche. Ceux qui veulent y voir surtout des enjeux politico-religieux, ceux qui veulent y voir un certain pouvoir des femmes assez exceptionnel au XVIIe siècle, ceux qui veulent y trouver un savoir oublié des plantes et de la médecine des villages ou ceux qui veulent conserver simplement la légende.
La nuit de Basajaun
Après le franc succès des randonnées sur les traces des Sorginak, Julien a expérimenté l'été dernier une autre plongée dans la mythologie basque avec une marche nocturne sur le thème du Seigneur des Forêts, la maison de Basajaun, lien entre le monde extérieur et le monde souterrain. Pas moins de 2h30 de marche, la nuit tombée, à la lueur des bougies et des lampes frontales. Cette fois-ci c'est la langue basque que vous découvrirez mais aussi une petite dégustation de produits locaux dans un endroit insolite que Julien garde secret...
La saison des marches reprend le 5 mars jusqu'à la mi-novembre en ce qui concerne la Marche des Sorcières. Quant aux nuits de Basajaun, elles se déroulent généralement de début juin à septembre mais à l'heure où nous écrivons ces lignes, aucune sortie n'est prévue. Vous pouvez néanmoins vous tenir au courant et réserver en ligne sur le site mentionné en bas d'article.
Julien a même en projet l’écriture d’un livre pour retracer un peu son parcours et son enfance à chercher les Sorcières basques. Il souhaite aussi créer un spectacle avec une troupe de danseuses. Les sorcières basques ont encore de beaux jours devant elles grâce à un passionné qui perpétue leur histoire.
Tarifs 2023 : Adulte 16 euros et enfants (jusqu'à 12 ans) 12 euros
Sébastien Soumagnas
Réagissez à cet article
Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire