Quelques mots sur votre parcours ?
Frédérique Charpenel - Je suis issue du milieu consulaire. J’ai conseillé les entreprises de 1998 à 2021. Ma fonction de conseillère régionale déléguée à l’export s’inscrit dans la continuité de cette histoire personnelle. J’ai obtenu une maîtrise de comptabilité et finance à l’IAE de Pau, après quelques années d’études supérieures en musique (je joue du hautbois et du cor anglais). Je suis entrée en politique en 2008, en tant qu’adjointe à la Culture de Jean-Yves Montus (le précédent maire de Soustons, NDLR), que j’avais rencontré via la CCI, où j’étais en charge du tourisme. Ma mission était au départ de bâtir un projet culturel pour la commune, notamment autour de l’espace Roger Hanin.
Depuis mars 2023, vous visitez chaque mois des entreprises néo-aquitaines qui cherchent à se développer à l’international. Quel est l’objectif de ces déplacements ?
F. C. - On ne peut pas bâtir de politiques efficientes sans rencontrer les acteurs économiques pour lesquels on les conçoit. Je consacre chaque mois une journée à ces visites, à chaque fois dans un département différent. Elles permettent d’observer les innovations régionales, d’évaluer l’impact de nos politiques publiques, de les adapter aux besoins de nos entreprises et d’identifier les bonnes cibles. De même, j’essaie de concentrer ces visites en zone rurale plutôt que vers les technopoles ou les grands écosystèmes déjà constitués : je suis toujours subjuguée par les pépites que l’on découvre partout en Nouvelle Aquitaine et notamment dans les zones plus isolées. Enfin, l’autre vertu de ces visites est de pouvoir réunir les interlocuteurs dédiés à ces entreprises : conseillers Team France Export, CCI International, Business France. Et ces visites sont finalement très appréciées des chefs d’entreprise.
Ce jeudi 1er février, vous visitiez justement deux entreprises landaises, Scyll'Agro à Hastingues et Primland à Labatut. Qu’en retenez-vous ?
F. C. - D’abord, il s’agit de deux entreprises qui illustrent bien la diversité des problématiques de développement à l’export. Primland (qui distribue la production de kiwis de la Scaap, NDLR) s’est développée à l’international dès ses débuts, car la consommation de kiwis a mis du temps à décoller en France. L’export est donc dans l’ADN de l’entreprise, dont on ne s’imagine pas la richesse du process, par exemple en termes de gestion des parcelles, de calibrage des fruits, etc.
Lire notre article : La saga mondiale du kiwi depuis les rives de l’Adour
Le cas de Scyll’Agro est un peu différent : c’est une petite structure basée à Hastingues, qui produit des phéromones destinées au biocontrôle agricole et qui souhaite que nous l’accompagnions dans son développement à l’export. Suite à la présentation de notre programme régional « 360 Export », l’entreprise a candidaté. Je viens d’ailleurs de présenter son dossier en commission. Scyll’Agro a une stratégie de développement structurée autour du volontariat international en entreprise (VIE).
Les VIE, ce sont des jeunes diplômés de la filière commerciale ou technique qui sont embauchés par les entreprises et envoyés dans les pays ciblés pour développer les marchés. Nous croyons beaucoup à ce dispositif, qui a la vertu d’être au croisement de la politique jeunesse de la Région (accompagner les jeunes dans leur premier emploi) et du développement international. La Région peut accompagner l’entreprise jusqu’à hauteur de 30.000 euros. Avec Business France et l’équipe France Export, la Région vient au passage d’organiser un « VIE Export Day » qui a réuni 50 entreprises et 150 jeunes…
Comment se comportent les entreprises d’Adour à l’export, par exemple par rapport à celles d’autres départements ?
F. C. - Il est difficile de faire des comparaisons d’un département à l’autre. Le nombre et la concentration des entreprises ne sont pas les mêmes dans les Landes et, par exemple, en Gironde. Plus globalement, les exportations régionales ont atteint 22,7 milliards d’euros en 2023, soit une progression de 5%. Sans surprise, ces exportations sont en bonne partie soutenues par les vins, les spiritueux, l’agroalimentaire et le secteur aéronautique. Ces résultats ne font certes pas oublier le déficit national du commerce extérieur, mais on doit signaler que celui-ci est grandement lié à un contexte qui a nécessité beaucoup de coûteuses importations d’énergie. À notre niveau, l’objectif est surtout de faire croître les exportations, de faire en sorte que chaque entreprise ait à sa disposition des interlocuteurs et des solutions adaptés. Or il y a encore beaucoup à faire localement pour lever les freins à l’export. Rappelons que le développement à l’international permet tout à la fois aux entreprises de trouver des relais de croissance, de répartir le risque dans un monde marqué par les crises à répétition, mais aussi de créer des emplois !
Quels sont les clés de la politique régionale en faveur de l’export ?
F. C. - En tant que déléguée à l’international, je travaille sous la houlette d’Andréa Brouille, 1ère vice-présidente de la Région en charge du développement économique. Notre politique s’inscrit dans le schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation des entreprises et de leurs écosystèmes voté en juin 2022. En ce qui concerne l’accompagnement à l’international des entreprises, l’année 2023 a été une année charnière pour la Team France Export de la Nouvelle-Aquitaine.
En tant que pilotes de la politique export, nous avons d’abord souhaité élargir la Team France Export à l’ensemble des partenaires de l’entreprise dans ce domaine. Y sont réunis la Région, Business France, Bpifrance, la CCI internationale mais aussi les douanes, l’INPI (pour les dépôts de brevet) ou encore l’OSCI (fédération des sociétés privées dédiées au développement international des entreprises, NDLR), c’est-à-dire toutes les expertises nécessaires, structurées de manière à minimiser le nombre d’interlocuteurs pour chaque entreprise. Nous invitons les entreprises à candidater à 360 Export sur la base d’un projet de développement à l’international. Un conseiller réalisera un diagnostic et déterminera leur maturité. S’ensuivra la validation d’un plan d’action, le tout pouvant déboucher sur une aide financière (jusqu’à 100.000 euros) et/ou des prêts via Bpifrance. Les primo-exportateurs peuvent en outre bénéficier d’aides à la prospection pour identifier de nouveaux marchés, ou encore de l’accompagnement collectif à travers les nombreux salons où la Région est présente, tels le CES de Las Vegas (où la délégation néo-aquitaine comptait 23 startups), VivaTech à Paris ou Formnext à Francfort. Nous accompagnons de même les clusters néo-aquitains, que nous amenons à rencontrer des écosystèmes étrangers.
Les municipalités viennent de passer le cap de la mi-mandat. Que dire de cette « première mi-temps » à Soustons ?
F. C. - Il faut d’abord souligner que cette première moitié de mandat a été marquée par la crise du covid, qui a eu un gros impact sur la vie municipale. Le déroulé normal des projets a été ralenti par la gestion quotidienne de l’épidémie. La sécurité des personnes et la mise en place des protocoles ont monopolisé notre attention et représenté environ 80% de notre activité sur l’année 2020. Ce qui est pénalisant, lorsque l’on sait qu’une action municipale repose aussi sur l’élan donné par une récente victoire électorale. Dans les faits, 2023 a marqué le véritable retour à une vie normale. Toutefois, cela ne nous a pas empêché de mettre en œuvre et réaliser de nombreux projets, comme la réhabilitation de l’école maternelle Gensous, la maison de santé pluridisciplinaire (que nous allons inaugurer en mars) et le réaménagement de Soustons-Plage. Le gros de nos projets est cela dit à venir, notamment concernant la transition écologique, avec l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments communaux et les rénovations de la place des Arènes, du stade de rugby et du centre social.
La situation politique dans certaines communes du littoral est assez tendue, marquée par divers antagonismes (bourgs et stations, gauche traditionnelle et « nouveau » centre, anciens et nouveaux arrivants, etc.). Qu’en est-il sur Soustons ?
F. C. - La situation soustonnaise est différente. Nous ne sommes pas un « corps à deux têtes » avec un bourg et une plage urbaine. Soustons-Plage est un quartier de Soustons, non une station à part entière comme peuvent l’être Hossegor ou Seignosse Océan. Vous noterez d’ailleurs que nos campings et nos activités saisonnières sont plutôt localisés côté ville. Notre station balnéaire, c’est finalement Vieux-Boucau. Historiquement, les grandes familles soustonnaises y avaient leurs maisons de dune. La géographie est donc un peu différente de celle de nos voisins.
Mais le territoire évolue certes, avec beaucoup d’arrivants qui sont parfois déroutés par la vie politique locale, où l’on fait moins campagne sur une étiquette. Si bien que l’on m’a souvent demandé : « Mais vous êtes quoi, en fait ? » Je suis élue socialiste, ce qui n’empêche pas d’accorder un soin particulier au développement économique, à l’exemple d’Alain Rousset ou d’Henri Emmanuelli, qui était d’ailleurs apprécié des milieux économiques. Le développement des zones d’activité dans les Landes reste au passage d’actualité.
La commune partage avec ses voisines la délicate problématique du logement…
F. C. - Comme tous les élus du littoral, nous sommes victimes de la pression foncière. L’enjeu pour nous est de garder ici nos jeunes ménages. Notre PLUI prévoit 40% de logement social. Il faut remarquer que nous venons seulement d’obtenir la reconnaissance du territoire en zone tendue (en 2023)… Concrètement, cela signifie par exemple que les jeunes ménages pourront obtenir des prêts à taux zéro. Et que nous allons pouvoir définir des zones sans résidences secondaires. À Soustons, ces dernières représentent tout de même 36% du parc de logements, soit 2.413 sur 6.700. Une réduction de 5% de la part des résidences secondaires sur la commune permettrait donc théoriquement de loger 100 familles à l’année sans avoir à créer de nouveaux logements. Soulignons aussi que cette pression sur le logement résulte en partie d’une évolution sociétale : en 1968, nous étions presque 4 par logement, contre deux aujourd’hui. Par ce seul effet, le besoin en logements a doublé en 50 ans…
Sujet qui fâche pour conclure : comment défendriez-vous le futur prolongement de la LGV via Dax, notoirement soutenu par la Région mais qui génère aussi du mécontentement ?
F. C. - Il n’est bien sûr pas interdit de débattre sur ce sujet, mais il est important d’éviter la caricature, comme en résumant la chose au simple fait d’aller plus vite d’un point à un autre. De ce projet dépend le développement d’un transport ferroviaire du quotidien sur le territoire, alors que vient d’être voté le RER basco-landais. Si l’on veut développer ce mode de transport entre Dax et Irun, avec une cadence de train au quart d’heure, il faudra forcément une deuxième ligne : il y a donc un lien entre cette prolongation et l’amélioration de nos mobilités du quotidien. De même qu’avec la réduction espérée du fret sur les axes routiers… Il sera important de disposer d’infrastructures autres que routières pour ne pas nous retrouver demain coupés du reste de la région…
Plus d’infos sur le programme « 360 Export » :
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