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Le centre d’essai des Landes à l’heure hypersonique

Établi sur 15.000 hectares en bordure d’océan à Biscarosse, la base réalise des essais de missiles tactiques et stratégiques, sur terre, sur et sous la mer ou dans les airs…
LANDES CENTRE ESSAI 0
Depuis 1962, ce site, où œuvrent quotidiennement plus de 500 personnes, se prépare au saut technologique des armes hypervéloces.

Unique centre d’essai de missiles à très longue portée en Europe, l’ex-CEL puis CELM (Centre d’essais de lancement de missiles, ainsi nommé jusqu’en 2009), à Biscarrosse, avait fusionné en janvier 2011 avec les sites girondin de Saint-Médard-en-Jalles et méditerranéen de Toulon et de l’Île du Levant, l’ensemble formant désormais la division « Essais de Missiles » de la DGA (Direction générale de l’Armement).

L’histoire du CEL remonte à 1962, c’est-à-dire à l’issue de la guerre d’Algérie et aux accords d’Évian. Avant cela et jusqu’à son évacuation en 1967, les essais de missiles étaient réalisés au centre interarmées d'essais d'engins spéciaux de Béchar, non loin de la frontière marocaine. Conjuguée à la séparation des activités militaires et civiles, cette fermeture avait également débouché sur la création du centre spatial guyanais de Kourou.

Sur Biscarrosse et Mimizan, c’est un vaste terrain de jeu de 15.000 hectares qui avait été créé, s’étalant le long de la côte sur une bande de terre de 25 km sur 7. Outre l’intérêt d’un établissement dans cette zone peu densément peuplée et en bordure d’océan, idéale pour réaliser des essais d’une telle nature, le site profite aussi de sa proximité avec le tissu aérospatial et militaire girondin.

On rappelle en effet que de l’autre côté du lac de Sanguinet se situe aussi la base aérienne 120 de Cazaux (où loge notamment le missilier MBDA), et plus loin les implantations-clés d’ArianeGroup et de Roxel (systèmes de propulsion pour missiles) à Saint-Médard et du CEA au Barp.

Un prototype hypersonique en 2021…

Et on n’oublie pas non plus que la DGA était à l’initiative du tout récent lancement du cluster Aliénor (voir notre article de décembre – cliquez ici), qui devrait permettre de mobiliser les capacités d’innovation des entreprises associée au pôle de compétitivité Aerospace Valley. Un enjeu capital pour éviter de se retrouver distancés et dépendants de nouvelles technologies extérieures (comme en témoigne un peu l’exemple des drones de combat).

L’importance des liens avec ArianeGroup est à souligner. Outre la base de lancement balistique mise en œuvre à Biscarrosse par l’ex-Airbus Safran Launchers, c’est l’entreprise qui assure la production du fameux missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) M51 à têtes nucléaires, déployé depuis 2010 sur nos sous-marins lanceurs d’engins, notamment à la suite d’une série de tirs d’essais réalisés sur le site landais en 2006, 2007 et 2008.

Et c’est encore à ArianeGroup qu’il y a tout juste un an, a été confiée par la DGA la mission de réaliser, d’ici 2021, un prototype de planeur hypersonique, à partir des recherches de l’ONERA (Office national d’études et de recherches aérospatiales).

Ce futur V-Max (Véhicule Manœuvrant expérimental), dont un déploiement effectif ne serait envisagé qu’entre 2030 et 2040, devrait faire entrer la France dans l’ère de l’armement dit « hyper-véloce », c’est-à-dire d’objets capables d’atteindre des vitesses (supérieures à mach 5) et une manœuvrabilité à la retombée qui soient suffisantes pour contourner ou devancer les systèmes de défense antimissiles actuels.

Une nouvelle génération d’armes dans laquelle se sont déjà largement investis les géants américain et chinois… Et l’on ne doute pas que le centre de Biscarrosse, doté d’un matériel de pointe et en train de basculer dans l’ère numérique, aura un rôle crucial à jouer dans la réalisation d’essais autour de ce programme.

Biscarrosse, instrument de la dissuasion française…

Des tests toujours strictement encadrés, de durée assez courte (une demi-heure pour un tir de plusieurs milliers de kilomètres) et monopolisant plusieurs dizaines d’opérateurs et de techniciens, avec en support des moyens d’observation ultra-précis, depuis les tourelles du site biscarrossais jusqu’au BEM Monge, ce bâtiment d’essais et de mesures basé à Brest et assurant le suivi des missiles de très longue portée en fin de vol, à l’aide d’outils de trajectographie, d’observations aérologique et optique ou d’analyse de signature radar et infrarouge.

Parmi les plus récents des 9.000 essais déjà menés dans les Landes, on peut citer des tirs d’évaluation du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) à partir de Rafale, au premier trimestre 2019. Cette fois, on parle d’une dernière génération de joujoux à 15 millions la pièce, d’une portée de 500 km et pouvant embarquer une charge nucléaire de 300 kilotonnes

On notera que le site de Biscarrosse, qui abrite par ailleurs le 17ème groupe d’artillerie (notamment en charge de la formation d’équipes cynophiles), est aussi doté d’une paire de rails d’essais dynamiques pour les tests de charges militaires. Pas moins de 900 tirs auraient déjà été réalisés via ces équipements.

Par ailleurs, plusieurs centaines de tests de systèmes d’armes seraient effectués chaque année sur la zone, où œuvrent 450 personnes, plus quelque 100 gendarmes et pompiers. La division Essais de Missiles emploierait un total de près d’un millier de personnes, et la DGA dans son ensemble autour de 10.000.

Plus d’informations sur le site defense.gouv.fr

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