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Créateurs et Passionnés

La famille Grassa et le domaine du Tariquet

Un peu de désobéissance, beaucoup de tradition et d’innovation, d’histoire et de vin… une belle saga inscrite au cœur du vignoble gascon en Bas-Armagnac…
GERS TARRIQUET famille
Le domaine du Tariquet a gagné de haute lutte ses galons de vin d’excellence, accompagnant une superbe aventure familiale, dont les nouvelles générations perpétuent l’esprit et le savoir-faire. Découverte d’un domaine, qui est bien plus que cela. Rencontre avec Rémy Grassa…

L’histoire, les racines, la famille représentent beaucoup pour vous ?

Rémy Grassa – C’est très important pour comprendre l’esprit de l’entreprise et les valeurs qui se transmettent de génération en génération. Avec un défi permanent : concilier un investissement important tout en assurant la transmission familiale. Ce n’est pas simple, même avec une très forte volonté. La famille a toujours été au service du domaine et non l’inverse.

Quelques mots sur l’histoire…

R. G. - Tout a commencé avec mon arrière-arrière-grand-père en 1912 lorsqu’il achète le domaine. Un Ariègeois qui s’était expatrié aux Etats-Unis, car, comme souvent à l’époque, seul l’aîné pouvait rester sur l’exploitation. Après avoir fait quelques économies dans la restauration, il est revenu s’installer au pays. Ce fut le coup de foudre pour le château du Tariquet, à côté d’Eauze, dont l’historique de production d’armagnac remonte à 1683.

Le début de l’exploitation ?

R. G. - C’est ma grand-mère, Hélène, et mon grand-père, Pierre, installés sur le domaine en 1946, qui vont commencer à significativement le développer. Puis, deux de leurs quatre enfants prendront le relais en 1972 : ma tante, Maïté, et mon père, Yves. Leur première décision majeure sera de mettre en bouteille les Bas-Armagnacs et de lancer la vente directe. Jusque-là, seule la distillation se faisait au domaine et toute la production était vendue en barriques aux négociants. L’armagnac est à l’origine de l’entreprise familiale, et reste une production clé pour le domaine.

Et le vin blanc ?

R. G. – 10 ans plus tard, en 1982, Maïté et Yves ont été les premiers viticulteurs indépendants du Gers à mettre en bouteille le vin blanc qui, jusque-là, servait principalement à la distillation. Ils ont été des précurseurs, confirmant ce qui est inscrit dans l’ADN familial : la désobéissance. Ils ont osé innover. Osé transgresser les règles de la vinification des vins blancs gascons pour leur donner un fruité, une fraîcheur, une élégance et une finesse qui semblaient inatteignables. Ils ont ainsi osé compléter les cépages traditionnels comme l’ugni blanc, le colombard, le gros et le petit manseng, par des plants de sauvignon et de chardonnay notamment. La reconnaissance a été rapidement au rendez-vous avec plusieurs prix venant saluer la qualité du domaine du Tariquet, alors qu’ils ne bénéficiaient ni du classement « Vins de pays », ni de l’IGP « Côtes de Gascogne ». En fait, la bonne connaissance de l’armagnac a fait de nous des spécialistes du vin blanc. C’était il y a 26 ans !

Armin et Rémy Grassa

Vous êtes désormais aux commandes avec votre frère…

R. G. – Mon frère Armin a rejoint l’exploitation en 1999, et moi l’année suivante. Mais le plus important, c’est que dès 2005, mon père nous a confié la responsabilité technique du domaine. Et dès 2007, notre tante et mon père nous ont fait confiance et ont amorcé une transmission significative de la propriété. C’est une décision rare dans la profession. Elle illustre parfaitement cet état d’esprit dont je parlais précédemment, ce souci de toujours combiner investissements et transmission. Nous avions respectivement 29 et 28 ans. Transmettre tôt, à la génération suivante, est essentiel, car les investissements portent sur 15 à 30 ans. Et puis, comme on dit ici : « les jeunes chênes ne poussent pas à l’ombre des vieux chênes ».

Vous donnent-ils un coup de main ?

R. G. – Ma tante est présente tous les jours. Elle nous soulage sur la partie administrative et nous accompagne sur les décisions stratégiques. Même si je trouve qu’il nous reste beaucoup trop d’administratif à faire, avec la paperasserie envahissante et croissante qui nous est imposée. Quant à mon père, il a lancé depuis plus de 10 ans une exploitation céréalière en Roumanie. C’est un éternel entrepreneur et un aventurier inconditionnel. Il revient de temps en temps : il faut bien qu’il s’occupe un peu de ses petits-enfants (rires).

Vous investissez beaucoup ?

R. G. – Oui. Nous privilégions le fait de toujours laisser dans l’entreprise les fonds nécessaires à l’investissement, à l’innovation et au développement. Nous voulons nous projeter en permanence dans le moyen et le long terme, et nous cherchons plus que jamais à innover, à désobéir en cassant les codes. Depuis 7 ans, nous avons investi 53 millions d’euros pour un chiffre d’affaires qui est passé dans la même période de 20 à 35 millions d’euros. Pour donner d’autres indicateurs clés : en 10 ans, le vignoble s’est étendu de 750 à 1125 hectares ; sur un programme de 3 ans, nous plantons ou replantons en moyenne 100 hectares par an ; la production atteint 10 millions de bouteilles dans l’année ; la masse salariale de l’entreprise a doublé, avec 130 personnes équivalent temps plein.

Vous osez aussi prendre des risques…

R. G. – Nous sommes propriétaires récoltants, c’est également dans notre ADN. Il faut savoir que notre développement s’est construit sur un vignoble que nous avons en propre. Cela demande beaucoup de temps, parce que nous créons la source de notre activité, en mettant en production la vigne avec nos propres méthodes culturales. Mais, effectivement, nous dépendons à 100% des aléas climatiques, alors que la vigne est une charge fixe. La prise de risque est lourde, mais, en tant que propriétaire-récoltant, cela nous permet d’avoir le contrôle de toutes les étapes de l’élaboration, de la plantation du pied de vigne jusqu’à la bouteille.

Où en êtes-vous avec l’armagnac ?

R. G. – Il reste une activité essentielle du domaine. Le vignoble dédié à cette production s’étend sur 100 hectares. Comme nous nous imposons un volume de vieillissement en fûts de chêne correspondant à un minimum de 20 ans de ventes, il nous faut financer un stock énorme. Aujourd’hui, nous avons dans nos chais l’équivalent de 23 années de ventes. L’armagnac, notre origine, constitue le lien entre les générations : en tant que propriétaire-récoltant, une génération commercialise une partie des armagnacs distillés par la précédente. Il faut donc anticiper, car notre production ne peut venir que de notre vignoble.

La clé de la réussite de vos vins blancs ?

R. G. – Nous avons donc été novateurs dans les méthodes d’élaboration des vins blancs et dans leur identité avec l’introduction de nouveaux cépages. L’objectif du domaine a toujours été de produire un vin blanc avec le meilleur rapport prix/plaisir. Nos vins ont été maintenus à des tarifs abordables, tandis qu’ils apportent le fruit et la fraîcheur caractéristiques du climat océanique, avec ce côté croquant remarquable. Avec mon frère, nous nous sommes beaucoup investi dans la production et les méthodes culturales, avec un travail de la vigne en mode ultra raisonné respectueux de l’environnement, avec des certifications Haute Valeur Environnementale (HVE) et ISO 14001 qui ne concernent pas que la viticulture, mais aussi toute la chaîne, de la vinification à la mise en bouteille.

Avez-vous commencé les vendanges ?

R. G. – Non pas encore. Ici, l’année n’est pas précoce, contrairement à ce qui est souvent dit. Nous avons prévu de commencer la semaine prochaine. On en saura rapidement plus sur les caractéristiques du millésime. Les observations faites jusqu’à présent laissent espérer une année généreuse. Ce qui ferait beaucoup de bien après une récolte 2017, sévèrement marquée par le gel.

Vous vous intéressez au patrimoine ?

R. G. – On aime beaucoup l’histoire locale. Aussi, nous avons apporté notre soutien, en tant que mécènes, au site archéologique de Séviac et à la statue monumentale de D’Artagnan à Lupiac, par exemple.

Vos relations avec le Crédit Agricole ?

R. G. – Excellentes. Elles ont commencé du temps de mon grand-père et se sont renforcées au fil des ans. Le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne est un spécialiste de notre filière. Il comprend parfaitement les problématiques de notre entreprise et les caractéristiques de nos métiers. Ses conseillers peuvent ainsi nous apporter un accompagnement pertinent et nous proposer des produits adaptés. Tout au long des années, ils nous ont fait confiance pour beaucoup de projets. Il est donc normal qu’ils soient restés un partenaire important dans le financement des investissements du domaine.

Informations sur le site internet du château du Tariquet

 

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