Les assemblées générales des 5 Organisations de Producteurs viennent de se tenir à Tartas. Elles seront suivies par celles des 7 sections de territoire, puis par l’assemblée annuelle de la coopérative, le 7 décembre prochain. Une occasion de rentrer dans les coulisses de ce maillage qui fait la force de Maïsadour.
Quelques mots sur votre exploitation familiale ?
Daniel Peyraube – Je suis éleveur et poly-cultivateur à Castaignos-Souslens. Une exploitation de 130 hectares au cœur de la Chalosse avec des volailles, des poulets en petits bâtiments, des pintades fermières des Landes, des canards pré-engraissés ; avec aussi une partie irriguée sur laquelle nous produisons du maïs-semence, du maïs, du soja, du sorgho… différentes cultures permettant de répondre aux exigences d’isolement pour le maïs-semence, avec des rotations. Ma femme, Nelly, me donne un coup de main, tout en exerçant un autre métier en parallèle, à temps partiel. Ma fille s’est installée à côté, avec une exploitation en bio et elle construit un bâtiment de canards prêts à engraisser, très moderne. Elle a la fibre de l’élevage. Quant à mon fils, il est en 5e année d’une école d’agriculture.
Vous êtes un grand ambassadeur du maïs. Pourquoi ?
D. P. – C’est une plante qui, pour moi, est formidable. Elle produit beaucoup de matières sèches, précieuses pour toutes nos filières animales. Et, par rapport à l’utilisation d’un mètre-cube d’eau, c’est la plus efficiente. Je pense que le maïs représente un atout majeur, notamment face à la réduction des surfaces, conséquence de l’artificialisation des sols : il nous permet de rester dans le match. J’ai été président de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), et je suis encore pour quelques mois, président de la Confédération européenne de la production de maïs (CEPM), qui regroupe une dizaine de pays. Depuis des années, j’essaye ainsi d’œuvrer pour défendre les spécificités des filières agricoles à partir de la plante maïs.
Mais vous restez un pur Chalossais…
D. P. – Un Chalossais ordinaire. Et je suis un très grand défenseur des traditions locales, des territoires du Sud-Ouest. J’aime tout ce qui est bandas, ma musique de cœur, la course landaise, le basket, le rugby…
Revenons à Maïsadour. Pourquoi des Organisations de Producteurs (OP) ?
D. P. – Au sein de la coopérative, nous avons plusieurs métiers, avec un conseil d’administration qui statue sur la stratégie. Il y avait deux manières de faire. Ou bien, on se réunissait 2 à 3 fois par semaine pour passer en revue tous les dossiers, ce qui est fastidieux et nécessite d’avoir beaucoup d’administrateurs et des administrateurs techniques. Ou bien le conseil s’appuyait, métier par métier, sur des organisations de producteurs. Il ne s’agit pas de mini-coopératives, ce sont des agriculteurs qui se retrouvent sur un métier précis et qui travaillent en profondeur, en prenant en compte les spécificités techniques et économiques. Ces OP répondent également à une exigence européenne qui impose des règles pour avoir accès à des aides pour structurer les filières. Une fois traités, les dossiers majeurs remontent vers la coopérative qui fait des arbitrages. Si vous voulez, les OP assurent quelque part l’opérationnalité des dossiers.
Des illustrations concrètes ?
D. P. - Dans le domaine de la volaille, avec la grippe aviaire, il a fallu travailler sur les modalités de reprise dans les élevages et dans toute la filière, établir des priorités en fonction des premiers investisseurs à intervenir, des zones les moins exposées sanitairement, des spécificités diverses et variées… Ce sont les Organisations de Producteurs qui se sont chargées de tout cela, y compris de la gestion des caisses de péréquation. Chez Maïsadour, on a beaucoup d’outils similaires de compensation, lorsqu’il y a des crises importantes et des accidents non couverts par des assurances. Les OP permettent aussi de ne pas avoir de fossé entre les demandes des marchés et ce que peuvent apporter les agriculteurs. Elles sont l’amont et peuvent intégrer concrètement les besoins de l’aval.
Quel fonctionnement ?
D. P – Les Organisations de Producteurs s’élisent elles-mêmes. Pour chacune, le panel d’agriculteurs concernés procède à l’élection de ses représentants, et son président siège au Conseil d’administration de Maïsadour, voire au Bureau. Bien sûr, la coopérative a un regard à ce niveau, pour être sûre d’avoir un représentant en adéquation avec ses fondamentaux. S’il n’est pas obligatoire d’être coopérateur à 100% dans tous les métiers, il est préférable que l’administrateur le soit. Par principe, pour un minimum de cohérence.
Donc, l’essentiel vient de la base…
D. P. – C’est très important et essentiel pour la coopérative. Pourquoi ? Parce que vous avez à la fois des rendez-vous réguliers, 2 à 3 fois par an, avec les Organisations de Producteurs, et à la fois des rencontres avec les sections dans les territoires. Ce qui permet d’avoir un croisement précieux. Sous ma gouvernance à Maïsadour, ce partage de l’information restera une priorité. C’est en croisant ainsi les informations que l’on peut vérifier, identifier s’il y a des trous dans la raquette, repérer toutes les imperfections - il y en a, et il y en aura toujours. Dès l’instant où vous touchez quelque chose, cela peut désarticuler autre chose. J’ai calculé : nous visitons ainsi plus de 700 agriculteurs chaque année, au travers de ces réunions sur le terrain. Ce sont des personnes engagées, des agriculteurs qui émettent des avis, qui échangent ; ils ne sont pas là que pour écouter.
C’est un maillage puissant…
D. P. – Absolument. D’autant plus que nous avons la préoccupation dans chaque OP d’avoir une bonne répartition des territoires. Ça, c’est essentiel, parce que dans les Landes nous avons une grande diversité géographique, mais aussi dans les modes de production. Par exemple, les volailles peuvent être élevées en petits bâtiments, en 400 m2, avec des certifications et des cahiers des charges très stricts… Tous participent à la vie de ces OP et ça aussi c’est fondamental parce qu’il faut tout le temps comprendre. Vous savez, c’est une grande chaîne, et quand vous sautez un maillon, ça peut dérailler.
Combien y a-t-il d’Organisations de Producteurs ?
D. P. – Elles sont 5 principales, pouvant ensuite être déclinées plus spécifiquement si nécessaire. Les volailles de chair et les palmipèdes à foie gras ont des OP différentes, mais qui travaillent souvent ensemble, car elles ont de nombreuses problématiques communes. L’OP semences, comprend plusieurs activités (comme le maïs semence, le tournesol semence…), même chose pour l’OP fruits et légumes (maïs doux, haricots verts, asperges…). La 5e OP est celle des maïs spéciaux et grandes cultures. Encore une fois, ces Organisations de Producteurs permettent une expertise plus approfondie, pour ne pas rester sur des généralités. Avec ce schéma-là, on évite beaucoup de dysfonctionnements sur le terrain.
Vous êtes très attaché à cette approche ?
D. P. – Oui, parce que c’est ce qui fait la force et l’efficacité des agriculteurs et de la coopérative pour avoir des produits de qualité. Au niveau du conseil, nous devons expliquer les choses, donner les informations sur les détails des marchés, tout en ayant les remontées sur les attentes du terrain ainsi que sur les impondérables qui peuvent contredire la théorie. Il faut beaucoup de méthode pour éviter d’être confronté à un ordre et un contrordre. Plus vous mettez d’intervenants, plus vous avez le risque d’orientations contraires. Même si c’est toujours dans un bon état d’esprit, il vaut mieux éviter. Chaque fois, le président de l’OP a un regard sur tous les métiers liés à son secteur, de manière à ce qu’il y ait une coordination la plus aboutie possible. Au niveau des pôles de Maïsadour, on vérifie aussi la cohérence. La coopérative s’est construite petit à petit, il faut continuer à améliorer les méthodes, les techniques. Tout va très vite, on construit au fur et à mesure des évolutions, en structurant aussi la transversalité. En effet, de nombreux agriculteurs ont des productions multiples et certaines problématiques touchent tout le monde, comme la biodiversité, le réchauffement climatique...
Justement, comment intégrez-vous les grands enjeux pour demain ?
D. P. - Lors de la prochaine assemblée générale de la coopérative, nous allons présenter notre plan « Ambitions 2030 ». On a travaillé d’abord en Bureau et avec le Comex sur ces enjeux qui nécessitent une approche globale, avant de les décliner par métier pour vérifier la faisabilité au niveau des Organisations de Producteurs. La stratégie ne peut se construire qu’au niveau de la coopérative, l’amont étant trop segmenté. Le risque d’un travail en silo au niveau des différentes OP serait de générer des positionnements contraires. On l’a connu par le passé.
La perception des agriculteurs ?
D. P. - Un élément qu’il faut entendre : quand vous parlez de normes, de biodiversité, de biosécurité, de décarbonation et autres… quand vous posez directement la question à un agriculteur, il vous écoute, il dit « ouais, ok ça m’intéresse, mais… pas d’ennuis, pas de complications ! ». Or, les transformations n’existent pas sans modifications et adaptations sur l’exploitation. Alors, le rôle du conseil d’administration est d’aiguillonner et de descendre dans les métiers pour expliquer les nouvelles opportunités et les exigences, pour les saisir efficacement : comment les accueillir sur l’exploitation et comment s’organiser, comment faire plus, faire mieux, différemment… C’est le rôle de la gouvernance d’une coopérative et l’impulsion qu’elle doit donner.
Les chantiers sont multiples…
D. P. - Dans l’aval, nous sommes en contact direct avec le marché et avec la distribution. À nous de nous ajuster, d’être force de proposition, de ne pas se laisser imposer des cahiers des charges pouvant être décalés de la réalité. Parallèlement, il faut accepter certains constats en matière de changement climatique, de biodiversité. Il y a de vrais sujets. On ne peut pas se contenter de dire, comme trop souvent on l’entend : oui, bon, ce sont des histoires de Parisiens… Certaines forces vives sur le territoire vont être plutôt résistantes. Ce changement, il faut l’impulser, il faut l’accompagner et c’est le rôle du conseil d’administration de la coopérative. Et après, il faut le co-construire.
Des exemples ?
D. P. - Aujourd’hui, on est en train de relever la tête après la grippe aviaire, et j’espère qu’on va vraiment la relever. Ce n’est pas seulement en raison de la vaccination, mais parce qu’on a pris en compte la biosécurité et fait évoluer notre métier, en tenant compte - j’y suis très attaché - des attentes des producteurs. On parle de bien-être animal et on fait de nombreuses actions dessus, je veux qu’on parle aussi de bien-être des éleveurs. Un exemple complètement différent : après les tempêtes de 1999 et 2009, il a fallu reconstruire. Bon nombre d’agriculteurs étaient à genou. Nous avons fait des bâtiments plus modernes, mieux isolés… Après un gros travail et de sérieux maux de tête, nous nous sommes dotés d’un outil mieux adapté et plus performant. Il ne faut pas souhaiter des tempêtes, mais je veux souligner qu’un élément extérieur nous a mis au pied du mur… et on a avancé ! Il faut savoir transformer des contraintes en opportunités, c’est un peu ma doctrine et je crois qu’à Maïsadour on a souvent fait comme ça.
Le rôle des partenaires avec les Organisations de Producteurs ?
D. P. – Ils ne sont pas intégrés dans les OP, mais on travaille en ligne avec eux. Nous sommes moteurs avec les partenaires et cela grâce aux travaux des Organisations de Producteurs. Au lieu de se faire imposer des cahiers des charges qui peuvent être parfois décalés, nous les adaptons pour tenir compte des spécificités locales. Nous construisons ensemble, en bénéficiant de l’expertise de l’autre. Par exemple, les rendez-vous avec Ardo ou Bonduelle sont très riches d’enseignements parce qu’on confronte des analyses concernant les démarches de qualité, les marchés, les demandes sociétales par bassins de consommation en Europe de l’Ouest, en Europe de l’Est, dans les pays nordiques… Certains sont en avance, on essaye d’anticiper. C’est une chance d’avoir ces partenaires autour de la table. On a des moments de joutes sur les prix, c’est court et intense. Après, tout le reste de l’année, nous travaillons ensemble sur les programmes de production, les techniques, l’adaptabilité, la recherche, etc.
Optimiste pour l’avenir ?
D. P. - Une grande force de Maïsadour, c’est que nous allons de la graine à l’assiette avec une chaîne de plus en plus performante. Les Organisations de Producteurs structurent solidement l’amont et apportent une belle réactivité. Dans le même temps, le Groupe est à l’écoute du marché, il sent les attentes actuelles et les tendances pour demain. Nous sommes de plus en plus connectés au marché, à la réalité, pour être en mesure d’anticiper, de s’adapter. Cela grâce à un accompagnement permanent des agriculteurs et grâce au travail en profondeur réalisé avec une grande expertise au niveau des OP et des sections territoriales. Alors, oui, nous sommes confiants dans l’avenir, même si nous savons que nous devrons continuer à nous transformer, jour après jour.
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Informations sur Maïsadour, sur le site internet
Photos : Maïsadour
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