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AMBASSADEURSUstaritz : Entretien avec Pantxika Artola, directrice de la maison d'édition Artodance

Avec plusieurs cordes à son arc dont l'écriture, Pantxika Artola a créé sa maison d'édition en juin dernier. Si dans un premier temps elle voulait rendre visible ses manuscrits auprès des libraires, elle a fini par se prendre au jeu et passer de l'autre côté de la barrière. Pantxika nous raconte...
Photo de Pantxika Artola

Presselib : Pouvez-vous vous présenter ?

Pantxika Artola : J'ai été professeure des écoles pendant treize ans. J'ai beaucoup aimé ce métier et cet environnement. En 2019, je suis devenue coordinatrice dans une école de musique associative, étant moi-même musicienne. Parallèlement à ces deux métiers, j'ai commencé à écrire des livres en 2017. Les deux premiers attendent encore d'être illustrés à ce jour, je ne les ai pas publiés. En 2018, j'ai autoédité mon premier livre grâce au soutien moral et financier de mon conjoint, Michel Dassance. En 2020 et 2021, ce furent quatre livres de plus. J'ai tenté de les faire éditer par des maisons d'édition, j'ai obtenu des refus ou des accords sous conditions de modifications importantes ; j'ai même signé un contrat avec une petite maison d'édition locale mais notre collaboration s'est mal déroulée, j'ai préféré en rester là.

P.L : Qu'est-ce qui vous a amené à créer Artodance, votre propre maison d'édition ?

P.A : Pour vendre mes livres, en plus d'utiliser nos réseaux personnels amicaux et familiaux, j'allais régulièrement sur les salons du livre et les marchés de créateurs locaux. J'avais des retours positifs de mes proches mais il me manquait ceux de lecteurs inconnus, pour avoir des avis peut-être plus objectifs. J'ai donc mis mes livres sur le site de lecture gratuite et numérique Monbestseller.com : j'ai obtenu des critiques très encourageantes. J'ai donc eu envie de m'extraire de mon périmètre local, de faire vivre mes livres ailleurs qu'au Pays basque. Puisque les éditeurs ne voulaient pas de mes productions, je voulais faire en sorte qu'au moins, les libraires de tout le pays puissent y avoir accès pour que des lecteurs potentiels puissent acheter mes livres n'importe où. Pour cela, il fallait inscrire mes livres sur la plateforme Dilicom et pour accéder à cette plateforme, il fallait être une maison d'édition.

C'est là qu'il nous est apparu indispensable, à mon conjoint et à moi, de créer une maison d'édition et un site internet avec du e-commerce pour que des lecteurs puissent aussi acheter mes livres directement en ligne. C'est donc par nécessité que nous avons monté le projet. Finalement, en avril 2022, j'ai quitté mon travail de coordinatrice et je me suis consacrée uniquement à la maison d'édition et à l'écriture de mes livres. La maison d'édition a donc pris une nouvelle dimension : elle ne devait plus se limiter à mes seuls livres mais s'ouvrir aux autres auteurs. Mon conjoint ayant déjà un travail, c'est moi qui gère seule la maison d'édition. Mais il est associé à de nombreuses étapes de ma gestion : il donne son avis quand il y a des choix à faire, il relit mes livres et ceux des autres auteurs, il partage mes informations à tout son réseau, il me félicite et m'encourage dans les bons et les mauvais moments. C'est donc bien une aventure à deux, même si c'est surtout moi qui la porte.

P.L : Éditez-vous des auteurs locaux ou nationaux ?

P.A : Nous sommes ouverts à toute région de France si les ouvrages nous plaisent. Cela donnera juste plus de travail de repérer localement les partenaires à solliciter si un auteur est éloigné : les journalistes, les bibliothèques, les écoles, les libraires, les salons... Parce que nous comptons sur la participation des auteurs dans la promotion de leurs livres. D'abord parce que, faute là aussi de trésorerie, nous ne pouvons pas encore nous permettre une diffusion ni une distribution nationale comme le font les grandes maisons d'édition. Nous commençons par de la vente directe et des achats sur notre site internet.

Ensuite, parce que nous souhaitons éditer des auteurs qui me ressemblent pour que nous ayons tous les mêmes attentes : ils devront eux aussi aller rencontrer leurs lecteurs sur des salons, des marchés de créateurs, des séances de dédicaces… Ils ne devront pas se reposer uniquement sur nous pour vendre leurs livres. Cela fait quatre ans que nous nous donnons beaucoup de mal pour faire vivre mes livres, nous avons besoin que les auteurs qui nous représentent aient la même vaillance, les mêmes capacités d'efforts et de persévérance.

Il y a une dernière chose qui est importante pour nous : être honnêtes et équitables avec nos partenaires. Sur les salons, j'ai rencontré de nombreux auteurs abusés et désabusés quant à leurs expériences avec certains éditeurs. Nous prenons donc le parti de sûrement moins nous enrichir personnellement mais de rédiger les contrats les plus justes possibles pour les auteurs et illustrateurs. Pour cela, nous allons prendre appui sur des chartes et des modèles réalisés par des syndicats d'auteurs et d'éditeurs.

P.L : Votre maison d'édition couvre un domaine particulier ou acceptez-vous tous types de manuscrit ?

P.A : Quand j'ai été accompagnée pour créer mon entreprise, on m'a dit : "Tu dois avoir une ligne éditoriale sinon tu ne pourras jamais percer." Mais comment calquer une ligne éditoriale à mes cinq livres déjà écrits ? Et puis d'abord, à qui nous adressons-nous ? Nos publics aussi sont variés : le lecteur lambda, bien sûr, mais aussi les classes dans les écoles, les bibliothécaires… J'aime particulièrement quand un lecteur me dit : "D'habitude, je n'aime pas lire, mais votre livre, je l'ai adoré !". Pour moi, c'est un pari gagné d'avoir réussi à attirer un non-lecteur à la littérature. Et puis j'ai observé mes propres lecteurs : pour la plupart, s'ils ont aimé un livre, ils se laissent tenter par un autre, puis encore un autre, se moquant du genre ou du nombre de pages. Ils ont aimé ma plume donc ils se laissent porter par mes œuvres.

Notre ligne éditoriale est donc née ainsi : nous souhaitons des auteurs qui aiment toucher à tout, sans forcément se limiter à la littérature, et nous nous adressons à des lecteurs qui aiment les plumes et non des genres bien précis.

P.L : Où pouvons-nous trouvez vos livres ? Magasins, site internet, librairies … ?

P.A : Nous devons nous limiter à de la vente directe avant de pouvoir tenter de déposer nos livres en librairies. Nos livres sont donc en vente sur notre site internet : editions-artodance.fr et nous y annonçons aussi toutes les dates des salons, des marchés de créateurs, des séances de dédicaces.

Comme j'aimerais garder un contact avec le monde de l'école, j'ai proposé nos livres de jeunesse (l'un pour le cycle 2, l'autre pour le cycle 3) à toutes les écoles du département. Ensuite, nous pouvons organiser des rencontres auteure-élèves.

P.L : Comment choisissez-vous vos auteurs ?

P.A : Plusieurs auteurs nous ont déjà contactés, même si nous n'existons que depuis juin 2022. Nous allons nous concentrer, dans un premier temps, sur ceux qui ont déjà plusieurs projets en mains. Ceux qui n'ont qu'un seul projet abouti devront encore attendre. Ainsi, lorsque nous irons voir les libraires en 2023, nous pourrons leur proposer plusieurs auteurs qui ont des projets sur le long terme. ll nous semble que cela peut aider à fidéliser les lecteurs et donc motiver les libraires pour travailler avec nous.

Pour l'instant nous allons gérer la distribution. Et nous ferons appel à des distributeurs lorsque nous serons dépassés par les ventes. Je ne dis pas "si nous sommes dépassés par les ventes" car nous prenons le parti d'être très optimistes, sinon, à quoi bon nous lancer dans cette aventure risquée ?

Les libraires ont accès à nos livres grâce aux différentes plateformes sur lesquelles nous sommes inscrits, reste maintenant à nous faire connaître pour qu'ils aient l'idée d'aller nous chercher. C'est notre étape actuelle.

P.L : Combien de livres éditez-vous ou comptez éditer par an en moyenne ?

P.A : Nous n'avons pas d'objectif précis, ce sera en fonction de la trésorerie. Car mon cerveau fourmille d'idées et les propositions d'autres auteurs sont nombreuses, c'est donc uniquement l'argent qui nous freine dans le développement de tout ce que nous avons envie de réaliser. Cela viendra, avec le temps. 

Les Éditions Artodance, c'est vraiment une aventure familiale car même le nom de la maison d'édition est un mélange de nos noms de famille. Mon conjoint et nos enfants vivent ce projet au quotidien avec moi, avec ses bons et ses mauvais côtés. Nous ne savons pas jusqu'où elle nous mènera car notre histoire n'est pas encore écrite, heureusement, et tous les dénouements sont possibles. Je me dis que si finalement, je n'arrive pas à en vivre, tout sera au moins mis en place pour que mes projets et ceux des auteurs que nous accompagnerons puissent vivre leur petite existence tranquillement.

Sébastien Soumagnas

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