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Euralis face aux défis imposés par le changement climatique

Le groupe coopératif basé à Lescar a confirmé des résultats économiques à la hausse. Il n’en oublie pas pour autant les défis majeurs qu’il doit relever.
Christophe Congues, président d'Euralis, lors de l'assemble générale du groupe coopératif agricole.
Christophe Congues, président d'Euralis, lors de l'assemble générale du groupe coopératif agricole.
DR- Euralis
Membres et partenaires d’Euralis étaient invités ce 10 février au Palais Beaumont, à Pau dans le cadre de l'assemblée générale annuelle.

Quelques semaines après avoir annoncé une hausse de son chiffre d’affaires pour la troisième année consécutive (+15%, à 1,64 milliard d’euros), le groupe coopératif rassemblant près de 9.000 agriculteurs a profité de ce temps fort pour enrichir la réflexion sur les enjeux futurs.

Il faut dire qu’Euralis subit de plein fouet les conséquences de la hausse de température ainsi que du manque d’eau. Malgré une forte production de maïs en 2021 (550.000 tonnes), le niveau reste inférieur de -20% par rapport à la moyenne quinquennale dans les Pyrénées-Atlantiques.

« La sécheresse de l’année 2022, alors que les niveaux étaient plutôt bons quelques mois plus tôt, a mis encore plus en exergue le rôle primordial de l’eau dans la production agricole. Sans eau, il n’y a pas de vie », résume Christophe Congues, le président d’Euralis.

La question climatique a donc constitué le fil rouge de cette assemblée, avec une conférence du climatologue Hervé Le Treut, et une table-ronde rassemblant les directrices d’Enedis Pyrénées Landes et de l’Agence de l’eau Adour-Garonne.

« Le changement climatique s’amplifie et on ne pourra pas empêcher certaines choses. Tout le temps perdu ne pourra pas être rattrapé. Il est important de mettre en place des systèmes de productions différents de ceux que nous avons connus » explique Hervé Le Treut, membre de l’Académie des sciences.

Hervé Le Treut, climatologue et membre de l’Académie des sciences.
DR-Euralis

Une mise en lumière des nouveaux défis

Le moins que l'on puisse dire, c'est que 2022 a été une année exceptionnelle sur de nombreux aspects. Au-delà de la question de la souveraineté alimentaire, mise en exergue par la guerre en Ukraine, « la période de sécheresse de l’été dernier nous a mis face à la rareté de l’eau : incendies, retenues d’eau qui ont atteint un seuil critique, etc. Si rien n’est fait, le déficit d’eau à l’étiage sera de 5,2 milliards de m3 d’ici 2050, contre 250 millions actuellement. »

Par ailleurs, l’an dernier a été marqué par la hausse brutale du prix de l’électricité et la menace de délestages ponctuels. Il y a cependant un point positif : « Les comportements évoluent, bien au-delà de ce qu’on pouvait attendre. On peut l’expliquer par une prise de conscience consentie ou contrainte sur la question de la sobriété énergétique », note Céline Vautrelle, directrice régionale Enedis Pyrénées Landes.

« L’impact climatique est important pour les agriculteurs, et colossal pour la coopérative : entre la sécheresse et le coût énergétique, nous l’estimons à 10 millions d’euros », s'inquiète Laurent Dubain, directeur général du Pôle agricole d’Euralis.

« Notre ambition est de transformer l'avenir sombre qui se dresse devant nous en opportunité, en source d’espoir et de développement pour nos familles et notre territoire », souligne le président d'Euralis, relayé par Philippe Saux, le directeur général : « Notre ambition est de réussir ensemble les transformations agricole, alimentaire et énergétique, en développant sur nos territoires des solutions et des produits innovants et durables ».

Ainsi sur l’exercice, Euralis a réalisé près de 54 millions d’investissements pour mener à bien cette mission.

Les différents experts de la table ronde organisée dans le cadre de l'asssemblée générale d'Euralis, à Pau.
DR-Euralis

Améliorer les bonnes pratiques

Plutôt consensuelle, cette assemblée du groupe coopératif a mis en lumière les actions concrètes déjà mises en place, à l'instar de la diversification, avec l’essor des productions végétales (la filière kiwi, notamment), du biocontrôle, de la production de bioéthanol et de la méthanisation...

Cette dernière activité va d'ailleurs s'amplifier dans les mois à venir. En collaboration avec Biobéarn, 160 agriculteurs membres de la coopérative participent à alimenter le plus grand méthaniseur d'Europe, avec la création d’une filière en circuit court à la clé.

« Euralis a également vocation à produire de l’énergie. Nous construisons par exemple des centrales photovoltaïques. C’est un projet de longue haleine qui devrait mobiliser à l’horizon 2030 plus de 500 millions d’euros d’investissements. Cette année, nous avons déjà 40 projets en exécution, qui représentent une production de 12 Mégawatt-crêtes », révèle Philippe Saux, le directeur général du groupe coopératif.

Pour Enedis, le défi ne se limite pas à la réduction de la consommation en énergies fossiles, il passe par l’augmentation de la production des énergies renouvelables afin d’absorber les besoins croissants.

« Aujourd’hui, nous avons 3 millions de chaudières fonctionnant au fioul, en France. Si on doit les remplacer complètement d’ici 10 à 15 ans, on estime que cela fait 1 million de pompes à chaleur supplémentaires. La même problématique se pose pour les véhicules électriques. Il va falloir couvrir cette nouvelle demande énergétique en multipliant par deux notre capacité de production et adapter notre réseau de distribution ainsi que nos infrastructures », précise Céline Vautrelle.

Quant à l’Agence de l’eau Adour Garonne, elle va appuyer sa stratégie sur « un mix de solutions : optimisation des retenues d’eau existantes et création de nouvelles, réutilisation des eaux usées, augmentation du soutien d’étiage… Nous espérons reconquérir jusqu’à 850 millions de m3 dans les cinq prochaines années. Les enjeux sont identifiés, les acteurs en ordre de marche. Ce qu’il faut maintenant, c’est accélérer la transition », avance Aude Witten.

Le mot de la fin revient à Christophe Congues : « Les évènements climatiques, politiques et sociétaux nous obligent à une agilité accrue, à laquelle il faut et faudra associer davantage d’inventivité, d’ingéniosité et de prise de risque. Mais tout cela doit se faire collectivement. La souveraineté alimentaire passera par la production, avec de l’eau et des plantes bien protégées. Ceux qui pensent que nous ferons aussi bien avec beaucoup moins se trompent. Cette idéologie finira par nous soumettre à des puissances agricoles étrangères, vider nos campagnes et briser nos outils coopératifs. ».

Noémie Besnard

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