Plus on dĂ©prime en Ă©coutant les infos et en lisant les journaux, plus les petits bonheurs quotidiens deviennent importants. Il en est ainsi de la tartine du matin. Chaque matin que le Bon Dieu fait, on doit supporter le rĂ©veil-matin, ce tortionnaire quotidien qui nous sort du lit au son dâune sonnerie comminatoire, sectionnant nos rĂȘves Ă la tronçonneuse avant de nous rejeter, glacĂ©s, sur le rivage dâun nouveau jour terne.
On prend tout de mĂȘme chaque matin le risque dâune crise cardiaque au pire, au mieux dâune humeur glauque qui nous voit, zombie chancelant, ramper jusquâĂ la terre promise de la cuisine. On est quand mĂȘme Ă jeun depuis la veille, sauf les petits malins qui sâen jettent un au milieu dâune nuit dâinsomnie.
Et lĂ , dâun morceau de pain basique, moyennement frais de la veille, introduit dans lâappareil magique quâest le grille-pain, commence Ă monter une odeur de paradis de pain grillĂ© accompagnĂ©e dâune odeur non moins paradisiaque de cafĂ© frais. On mobilise les derniĂšres forces pour se traĂźner, les yeux fermĂ©s, jusquâĂ la chaise. Et lĂ , le miracle quotidien sâaccomplit. PremiĂšre gorgĂ©e de boisson chaude, premiĂšre bouchĂ©e de tartine sur laquelle le beurre fond en une petite flaque qui imbibe juste ce quâil faut la mie grillĂ©e.
Le zombie, un peu moins zombie, se redresse sur sa chaise. Le jour terne commence Ă prendre des couleurs en mĂȘme temps que le zombie des forces. Le zombie, votre servante, est enfin rĂ©confortĂ©e, bien calĂ©e pour affronter la journĂ©e, câest-Ă -dire, comme tout un chacun, les rendez-vous manquĂ©s, les coups de fil sans rĂ©sultat, la dĂ©claration dâimpĂŽts Ă terminer, le courrier qui sâentasse, Valls Ă la tĂ©lĂ©, bref, une vraie bonne journĂ©e de chez nous.
Alors, « Amour, gloire et beauté », on se le jouera un autre jour sinon, pas moyen dâavoir une seconde de bonheur dans ce monde de brutes. Au moins, si on a lâĂąme suffisamment simple pour se contenter de bonheurs comme celui-ci, on investit dans du sĂ»r et la vie devient jolie !
Pasquine LâIslet
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