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CHANGER DE VIEPottias : une incroyable histoire de fèces

Caroline Dulac Urrutibehety recycle le crottin de Pottok pour en faire de magnifiques popoteries dans son atelier d'Ascain
Photo de Caroline Pottias dans son magasin.
L'histoire ne dit pas si Caroline a marché dedans du pied gauche, mais force est de constater que le popo lui a porté chance puisque cela fera bientôt 10 ans que Pottias a vu le jour. Et pourtant son ancienne vie était beaucoup plus tumultueuse et différente. Comme quoi, tout est popossible lorsque l'on veut changer de vie.

En effet, avant de mettre les mains dans la... le cambouis, Caroline a travaillé 10 ans au sein du Groupe Alcampo en Espagne dans le management d'équipes pour les ouvertures de nouveaux centres. Elle a enchaîné ensuite avec 8 années chez Ikea, 5 ans en Inde dans le sourcing de textile et nouveaux matériaux puis 3 ans à la maison mère en Suède dans le développement produit et design. Puis c'est le retour aux racines, au Pays basque, où elle va changer radicalement de vie.


Un projet anti popollution

Outre le fait de vouloir se rapprocher de sa famille, Caroline avait « envie d'une vie plus simple, moins consommatrice, éthique, un retour à une échelle plus humaine, locale et proche des personnes et du "up" cyclage (le recyclage qui valorise les déchets, et leur redonne vie). » Et c'est en Inde qu'elle a découvert une tout autre forme de recyclage et ainsi été sensibilisée à « l'utilisation de matières naturelles improbables qui nous font sourire parfois, mais qui sont vitales pour d'autres peuples. En Inde et en Afrique, la bouse séchée sert de combustible pour cuisiner et se chauffer. Elle sert aussi à la construction de cases. »

C'est au détour d'une rencontre avec une famille de la région de Jaïpur que Caroline découvre qu'ils fabriquent du papier à base de bouses d'éléphants « anecdotique et cachée, vu l'utilisation de matière impure qui ne serait pas digne de certaines castes ou communautés. » Ainsi avec le créateur du papier Vijendra, l'aide de Mahima (l'ONG intermédiaire) et « avec mon enthousiasme d'utiliser cette matière que j'appelle "l'or brun" et d'aider cette communauté, nous avons eu l'envie de créer une collection de carnets, albums... » Puis c'est lors de son retour au Pays basque que Caroline eut la révélation : « et pourquoi pas notre popo local ? » Maintenant il va falloir récolter la matière première...

Une initiative popopulaire auprès des éleveurs


L'idée était là. À défaut d'éléphants dans les montagnes basques, c'est sur le Pottok, petit cheval national basque, que Caroline a jeté son dévolu pour collecter sa matière première et fabriquer ses popoteries. L'étape suivante ? Approcher les éleveurs, leur exposer le projet. Ayant acquis avec son compagnon Pascal un savoir-faire indéniable dans le processus de traitement du popo, Caroline confie que « les éleveurs de pottok nous ont écouté tout d'abord d'un air amusé puis pris plus au sérieux au vu des résultats. Après des années de recherche, de popote et perfectionnement dans la technique, nous avons avec mon compagnon Pascal, aboutit à la création de luminaires et objets déco en popo de pottok. » Pottias utilise aussi d'autres matières recyclées telles que les ceintures de sécurité de voiture de casse auto pour élaborer d'autres types d'articles.

Caroline et Pascal ont ainsi démarré en exposant lors d'une foire aux pottoks de Sare, invités par l'Association du Pottok. C'est là que certains éleveurs ont ouvert leurs portes pour aller récupérer le crottin sur le mont Ursuya. Par la suite, ils ont développé leur territoire de récolte sur des sites plus proches de leur atelier d'Ascain.

C'est Pascal qui fait la popote

Chez Pottias, c'est Pascal qui est aux fourneaux. Il suit un processus de fabrication manuel strict et bien entendu complètement naturel. Il reproduit le savoir-faire indien en remplaçant le popo d'éléphant par le crottin de pottok, les 2 étant des herbivores non ruminants.
Caroline nous détaille la recette : « nous retrouvons donc toutes les fibres après la digestion des pottoks. Ces fibres sont portées à ébullition dans un grand chaudron durant plusieurs heures pour les nettoyer et ramollir. S'ensuit une autre cuisson en rajoutant un liant naturel qui varie selon la teinte finale que nous souhaitons (chanvre, lin, sciure, cellulose, coton...). Cette pâte est mixée puis tapotée à la main sur des formes dont on retire toute l'eau. Vient ensuite l'étape du séchage, dans un séchoir naturel, où tous les jours les objets sont tournés et retournés pour une finition homogène. Viennent ensuite les phases de finition et décoration : ponçage, peinture et ajourage selon les demandes. »

Si vous désirez vous rendre à l'atelier pour contempler ou encore acquérir les produits confectionnés par Caroline et son compagnon, vous serez accueillis à l'atelier popotier à Ascain dans la zone Zubiondo, juste après le pont sur RDV. Les modèles de suspensions et bols que vous découvrirez sont faits sur mesure et personnalisables.

En parallèle de Pottias, Caroline a aussi créé une boutique de linge de lit et déco à St Pée sur Nivelle, "Sous la couette", dans laquelle elle exposait ses créations et qui leur a permis de créer les premiers luminaires en popo de pottok. La boutique "Sous la couette" a cédé la place à "Atipiko", animée par sa passionnée de déco, Nadège.

Ainsi, nous aurions pu vous conter une banale histoire de fèces mais Pottias fait partie de « selles » qui resteront dans les annales. Finalement passer de la bûche d'Ikea au rondin de Pottok, Caroline s'est spécialisée dans l'étron. La bienséance nous obligeant généralement de retenue garder, nous ferons aujourd'hui une exception en adressant un gros « merde » à Caroline pour ses réussites à venir.

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