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Publié le Mis à jour le

ARTLe vol de la Joconde

Philippe et Marie-José Bouscayrol vous apportent quelques minutes de divertissement à travers des anecdotes et épisodes de l'histoire de l'art...
BOUSCAYROL JOCONDE 0
La Joconde affiche depuis plus de 5 siècles le sourire le plus énigmatique de l'histoire de la peinture.

La Joconde, musée du Louvre

La Joconde, Gioconda en italien, est une peinture sur panneau de taille modeste, 77 x 53 cm, qui représente très certainement le portrait de Lisa, épouse de Francesco Del Giocondo un commerçant florentin. Mona serait un diminutif de Madona.

Bien des spéculations entourent les conditions d'exécution de l'oeuvre. S'il est en effet acquis qu'elle a été peinte au tout début du XVIe siècle et exclusivement par Léonard de Vinci, sans l'intervention des élèves de son atelier contrairement à l'usage de l'époque, les experts ne s'accordent pas sur la date d'exécution. Ou plutôt les dates d'exécution, car les analyses sophistiquées de l'oeuvre permettent seulement d'affirmer qu'elle a été réalisée sur plusieurs années.

[caption id="attachment_120152" align="alignleft" width="209"] Autoportrait de Léonard de Vinci[/caption]

Comment est-elle arrivée en France ?

Tout bonnement dans les bagages de Léonard lors de sa venue en 1516. Agé de 63 ans, délaissé par les Médicis, ses mécènes italiens, il quitte Florence et accepte l'invitation du roi de France, François 1er qui souhaite réunir une cour brillante. Le roi met à sa disposition le château du Clos-Lucé où l'artiste résidera jusqu'à sa mort en 1519, et lui verse une généreuse pension lui permettant de vivre et de mener ses recherches.

En retour, Léonard offre au roi et donc à la France, le tableau de la Joconde, notamment.

Présente dans les collections nationales, ou royales en leur temps..., elle n'aurait jamais dû quitter le Louvre ni la France ... et pourtant !

[caption id="attachment_120153" align="alignright" width="246"] Extrait de la une du journal Le Petit Parisien du 23 août 1911[/caption]

Nous sommes en 1911, la Joconde est exposée dans le salon Carré du Louvre. Le musée est régulièrement fréquenté par des artistes venus copier des oeuvres comme cela était courant à l'époque. Ce matin du 22 août, Louis Béroud, peintre qui connut quelque succès en son temps, se rend au Louvre dans l'intention de peindre la Joconde ... et découvre l'emplacement vide.

L'alerte est donnée ! Les gardiens pensent la trouver chez le photographe officiel du Louvre, elle n'y est pas ! Le vol ne fait plus de doute et le Quai des Orfèvres dépêche des dizaines de ses plus fins limiers ; rapidement le cadre et la vitre du tableau sont retrouvés dans un escalier du musée.

Une empreinte digitale est relevée sur la vitre, mais ne correspond à aucun employé du musée. Le directeur du Louvre démissionne. La société des Amis du Louvre offre 25.000 francs à qui retrouvera la Joconde. Mais, le mystère de l'empreinte et du vol reste entier pendant deux ans et l'emplacement laissé vide au Louvre par le tableau disparu attire toujours une foule de curieux attristés...

Par ailleurs, le musée fait réaliser un inventaire complet de ses collections et découvre non sans inquiétude qu'il manque plus de 300 pièces !

[caption id="attachment_120154" align="alignleft" width="377"] Picasso et Apollinaire[/caption]

L'enquête se poursuit cependant et s'intéresse un temps, de manière inattendue, à Guillaume Apollinaire et Pablo Picasso.

Revenons quelques années en arrière, en 1907, lorsque Apollinaire acquiert en toute bonne foi des statuettes ibériques, probablement deux, proposées par un certain Géry Pieret qui est alors son secrétaire et que le poète héberge chez lui quelques temps. Apollinaire en revend une à son ami Picasso qui, cette même année, ouvre la voie au cubisme avec le célèbre tableau des Demoiselles d'Avignon. Jusque-là tout va bien...

Mais parmi les pièces manquantes à l'inventaire du Louvre, figurent les fameuses statuettes et, par ailleurs, l'ami Géry Pieret se manifeste. Il envoie à Paris Journal une nouvelle statuette dérobée au musée en 1911, il affirme détenir le tableau de la Joconde et, bien entendu, réclame une rançon pour sa restitution.

A la lecture du journal, Apollinaire et Picasso réalisent la situation dans laquelle ils se trouvent et font apporter leurs statuettes à Paris Journal. Le poète sera emprisonné pour recel et ira méditer pendant 6 jours sur sa mésaventure à la prison de la Santé, tandis que Picasso sera interrogé par la police qui conclura que les deux amis n'ont rien à voir avec le vol de la Joconde. Leur amitié en sera détruite.

[caption id="attachment_120155" align="alignright" width="300"] Les statuettes ibériques, désormais au Musée d’Archéologie Nationale, Domaine de Saint-Germain-en-Laye[/caption]

L'épisode est clos mais la Joconde reste introuvable. Jusqu'à un jour de 1913 où un certain Vincenzo Peruggia propose le tableau à Alfredo Geri, antiquaire à Florence, lequel, identifiant l'œuvre que la France recherche, le dénonce immédiatement.

Visiblement aussi habile parleur que voleur, Peruggia expliquera lors de son procès en 1914 qu'il voulait que le célèbre tableau retourne dans son pays d'origine ou encore que ce portrait lui rappelait un amour ancien... et sera condamné à quelques mois de prison.

Comment s'y est-il pris pour dérober le tableau ? Cet immigré italien travailla un temps pour le musée - certainement comme vitrier ce qui l'aurait amené à installer la vitre devant le tableau de la Joconde - il y était apprécié et connu de tous. Se mêlant au personnel et circulant librement dans les lieux, il profita du jour de fermeture au public du lundi 21 août pour se trouver seul dans le salon Carré, décrocher le tableau, ôter le cadre et la vitre et cacher la toile sous ses vêtements. Plus tard, il fournit visiblement un alibi plausible aux enquêteurs et ne fut pas inquiété ; le tableau resta caché de longs mois sous son lit en plein Paris jusqu'à ce qu'il retourne en Italie pour essayer de le vendre...

Reste l'énigme de l'empreinte d'un pouce gauche trouvée sur la vitre protégeant le tableau... A la fin du XIXe siècle, Alphonse Bertillon, chef de l'identité judiciaire a modélisé la collecte d'informations sur les criminels, posant les bases de l'anthropométrie judiciaire. Il retient neuf dimensions du squelette connues pour leur fixité et marqueurs uniques de chaque individu, parmi lesquelles la taille, le crâne, l'oreille, la longueur du pied gauche etc., et surtout des photos de face et de profil. Eléments auxquels il ajoute les empreintes de la main droite sans qu'elles soient considérées primordiales dans l'identification des suspects. Quant à celles de la main gauche elles ne sont pas prélevées ou sont laissées inutilisées. Eussent-elles été accessibles, les policiers auraient plus rapidement confondu Peruggia déjà bien connu de leurs services pour des vols antérieurs...

Quant à la Joconde, elle fit une tournée triomphale dans de grandes villes italiennes avant de regagner la France et le Louvre au début de janvier 1914. Elle connaîtra d'autres aventures, mais ceci est une autre histoire.

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