Le 10 octobre dernier, dans une atmosphère aussi électrique que durable, l’École Supérieure des Technologies Industrielles Avancées (ESTIA) de Bidart a franchi un cap historique. En partenariat avec l’entreprise H2GREMM, elle a inauguré la mise en service de sa station d’hydrogène verte, fruit d’un travail de recherche et d’innovation mené depuis cinq ans.
Derrière cet acronyme technique se cache un véritable tournant énergétique : l’ESTIA devient la première école d’ingénieurs française à disposer d’un système complet de production, de compression, de stockage et d’utilisation d’hydrogène vert intégré à un micro-grid, un réseau local d’énergie renouvelable. Une prouesse technologique qui ne se contente pas de produire de l’énergie : elle la met en mouvement, au service de l’enseignement, de la recherche et, bientôt, des mobilités douces.
Un démonstrateur qui fait école
Cette station n’est pas qu’une vitrine technologique, c’est un démonstrateur grandeur nature. Conçue dans le cadre du projet européen SharedH2 (Interreg SUDOE), elle résulte d’une collaboration entre l’ESTIA, H2GREMM et plusieurs partenaires académiques européens, avec le soutien du pôle de compétitivité SmartPower, spécialisé dans la gestion de l’énergie.
Son principe est simple, mais redoutablement efficace : produire de l’hydrogène vert grâce à l’électricité issue d’énergies renouvelables, le stocker, puis le réutiliser pour produire de l’électricité à la demande. Autrement dit, faire le plein quand le soleil brille ou que le vent souffle, et redistribuer quand la nature se repose.
Ce système incarne ce que beaucoup d’acteurs du secteur énergétique appellent la “batterie verte du futur” : une solution de stockage décarbonée, durable et adaptable aux besoins locaux. À Bidart, cette innovation trouve une application immédiate sur le campus de l’ESTIA, qui teste son autonomie énergétique tout en formant les ingénieurs de demain à ces technologies de pointe.
La matinée a débuté par une série d’interventions marquantes : Ionel Vechiu, directeur d’ESTIA-Recherche, a présenté le concept de “Building Micro-grid”, véritable cœur énergétique du campus.
Puis Alain Rocheux et Olivier Hautin (H2GREMM) ont évoqué les perspectives industrielles de l’hydrogène en France et en Europe, tandis qu’Aline Chabot (SmartPower) a dressé un état des lieux des dynamiques du secteur.
Mais le clou du spectacle est venu plus tard : une mise en route en direct de la station, suivie d’une démonstration de vélo à hydrogène. Le tout propulsé par un partenaire local bien connu des amateurs de mobilité durable : Pragma Industries, pionnier du vélo à pile à combustible.
Le vélo à hydrogène : pédaler vers le futur
Ce vélo, alimenté par l’hydrogène produit sur place, n’a rien d’un gadget de laboratoire. En à peine deux minutes de recharge, il peut parcourir jusqu’à 150 kilomètres, sans bruit, sans émissions et surtout sans lithium. Le système repose sur une pile à combustible qui transforme l’hydrogène en électricité, une technologie déjà éprouvée dans certains véhicules lourds, mais encore rare dans le domaine de la mobilité légère.
Lors de la démonstration, Sylvain Baudoin, ingénieur de recherche à l’ESTIA et chez H2GREMM, a orchestré la mise en marche de la station. Les invités ont pu observer la chaîne complète : production, stockage et utilisation directe de l’hydrogène sur le campus. Une petite révolution visible à l’œil nu, symbole d’une transition énergétique qui s’incarne concrètement.
Le projet SharedH2 ne s’arrête pas aux frontières du Pays basque. Il s’inscrit dans un réseau de coopération entre la France, l’Espagne et le Portugal, réunissant dix partenaires européens experts dans le domaine de l’énergie renouvelable et de l’hydrogène.
L’objectif commun : démontrer que l’hydrogène renouvelable peut devenir une solution viable pour stocker l’énergie et l’utiliser localement, notamment dans les zones rurales ou isolées.
La station de Bidart est la première des trois installations pilotes prévues dans le cadre de ce programme européen. Les deux autres suivront de l’autre côté des Pyrénées.
Un prototype plein d’avenir
À l’heure où le monde cherche son cap énergétique, l’ESTIA semble avoir trouvé la bonne direction. Cette station hydrogène symbolise un modèle reproductible : celui d’un bâtiment autonome, capable de gérer sa propre consommation et d’alimenter des moyens de transport légers, sans émission de CO₂. Une approche locale et intégrée, qui illustre le virage que prend la recherche française vers des solutions “plug and green”, connectées à la fois à la nature et à la société.
Pour l’ESTIA, ce projet est un outil pédagogique et scientifique. Les étudiants y verront un laboratoire vivant, un terrain d’expérimentation sur les énergies renouvelables, le stockage et les micro-réseaux intelligents. Pour H2GREMM, c’est une validation grandeur nature d’un savoir-faire industriel promis à de nombreuses applications, de la logistique à la mobilité urbaine.
En combinant autonomie énergétique, mobilité douce et production locale d’hydrogène vert, Bidart devient un véritable hub de l’innovation durable. Une station qui, au-delà de ses cuves et de ses capteurs, envoie surtout un message clair : l’avenir énergétique ne se rêve plus, il se prototype.
Avec cette station, l’ESTIA prouve que la recherche peut s’ancrer dans le réel et donner des résultats concrets au service de la planète. Une première française, peut-être même mondiale, qui propulse le campus basque dans la cour des grands laboratoires de la transition énergétique.
Sébastien Soumagnas
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